Non le paiement des loyers professionnels n’est pas reporté !

Ce que dit l’Ordonnance du 25 mars 2020 (qui définit également les critères d’éligibilité à la disposition qui suit) : “Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. 
Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée”.

En clair, il n’y pas report mais neutralisation imparfaite des sanctions pour non paiement. La délivrance d’un commandement de payer, la saisine du Juge afin de résiliation judiciaire, de référé-provision, les saisies conservatoires et saisies attributions restent parfaitement légales pendant la période. Encore faut-il certes pouvoir recourir à un Huissier de justice et à un Juge.

Mais cela signifie que le locataire n’a pas de base légale de part cette ordonnance pour ne pas payer.

De sorte que s’il se dispense de payer, sous réserve des développements ci-après, ce sera à ses risques et périls, et sauf accord avec le bailleur, il faudra qu’il réagisse vite à l’issue de la période s’il reçoit assignation ou commandement de payer, afin de solliciter a minima des délais de paiement.

A notre avis, les juges seront exigeants quant aux obligations de bonne foi et de loyauté tant du bailleur que du preneur.

Alors que peut faire le locataire.

Suivant le statut des baux commerciaux, le locataire pourra potentiellement solliciter la révision du loyer lors de la révision triennale ou du renouvellement, tant les facteurs de commercialité vont être impactés négativement par l’actuelle situation sanitaire, qui est appelée à perdurer plusieurs semaines au moins. 

Immédiatement, il lui sera potentiellement possible sous la réserve d’un contrat signé avant la connaissance du virus et s’il est dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation d’invoquer la force majeure (cf https://www.arabesque-avocat.com/2020/03/18/execution-du-contrat-et-coronavirus/).

A voir impérativement la clause de force majeure prévue au contrat le cas échéant.

Cependant, force est de rappeler que la force majeure suspend le paiement dans le sens d’un report, et que si l’impossibilité est définitive, le bail est résilier de sorte que le fonds de commerce est perdu.

Une issue potentielle : L’article 1351 du Code civil prévoit que “l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure”. Ainsi, l’inexécution temporaire totale de délivrer les locaux, non fautive, libérerait le bailleur “à due concurrence”. Le locataire serait libérer également à due concurrence du fait de l’interdépendance des obligations. Possible interprétation qui invite cependant à la plus grande prudence, du fait de l’imprécision de la loi.

Avec plus de réserve peut être aussi invoqué l’imprévision (cf lien plus haut) en cas d’exécution excessivement onéreuse. A voir impérativement la clause d’imprévision prévue au contrat le cas échéant.

Cependant, l’imprévision impose la négociation mais ne suspend pas l’obligation avant l’intervention du Juge.

Pour finir l’article 1219 du Code civil prévoit que “Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.” Or il peut être considéré pour les locaux dont l’ouverture a été interdite, que le bailleur n’est pas l’auteur de l’inexécution (délivrance du local), et qu’il est lui-même astreint par un cas de force majeure. En outre, la encore, l’obligation à paiement serait suspendue, savoir reportée.

De sorte que devant cette insécurité juridique, nous ne pouvons que vous conseillez de négocier entre bailleur et locataire avec de trouver un accord équilibré.

Le cabinet vous conseille et accompagne tout au long de la négociation, et vous représente en cas de contentieux.

A suivre : Procédures collectives et coronavirus